Chapitre 8 : Charlie

 

Noël.

Notre période préférée de l’année. Évidement me direz-vous, 99.9% des gosses adorent cette fête et tout ce qu’elle représente : vacances, chocolats à gogo et surtout des cadeaux à ne plus savoir quoi en faire. Mais pas seulement. Pour Charlie et moi Noël représentait bien plus. Une explosion d’amour, des moments partagés en famille, le plaisir d’aller acheter et de décorer notre sapin ainsi que celui de nos grands-parents, des journées entières passées en pyjamas à visionner une multitude de films, téléfilms et dessins animés de Noël, dormir ensemble le 24 décembre et être à l’affût du moindre bruit que pourrait faire le Père Noël. L’âme d’un enfant. Qui a-t-il de plus beau ? De plus pur ? Comment ai-je pu devenir un mec si glacé à l’intérieur ? Bon j’exagère je ne suis peut-être pas gelé… Disons qu’il doit faire 2 ou 3 degrés là-dedans…

En grandissant, nous avions délaissé certaines habitudes incompatibles avec le fait de grandir mais nous avions conservé ce que cette fête avait de plus beau pour nous : démultiplier notre amour fraternel.

En ce 22 Décembre 2014, Charlie réalisa qu’il s’agissait du second Noël qu’elle passerait sans moi. Allongée sur le sol de son salon, adossée au canapé, une clope au bec, elle feuilletait les albums photos que lui avait prêté ma mère. En ce 22 décembre, Charlie sautait toutes les pages pour ne regarder que les photos de Noël. Celui de sa naissance où Stan et moi nous battions pour porter la petite dernière dans nos bras. Noël 90 où nous accueillîmes Choco notre petit chien. Celui de 92 que nous avions passé à la montagne, coincés dans le chalet à cause de très fortes chutes de neige, avec toute la famille. Noël 97 où mon cousin Alexandre devint père, offrant ainsi à ma grand-mère son premier arrière-petit-fils. Elle en passa d’autres puis bloqua sur celui de 2001. Elle se remémora ce Noël qui avait eu un gout si amer pour elle. Cette année-là, ma grande tante Jacky vivait ses derniers jours à La Clinique Du Rocher, un établissement psychiatrique. Ma mère avait souhaité lui rendre visite et lui apporter un petit présent pour les fêtes. Étant sa filleule, ma sœur avait souhaiter s’y rendre aussi sans imaginer ce qu’elle allait y voir. La Clinique Du Rocher fait partie de ces établissements hors du temps. Lorsque tu y pénètres, tu as l’impression de faire un bon dans les années 20. Il y règne une ambiance si froide et austère. Les infirmières et médecins ressemblent plus à des zombies armés de cachetons distribués à la pelle qu’à du personnel censé soigner et aider. Sur la porte de la chambre de Jacky figurait le numéro 034. La visite fut expéditive car ma grande tante était, comme le disait les médecins, en période aiguë. Fortement amaigrie, le regard vide, figé sur le mur en face de son lit, elle semblait déjà avoir quitté son corps. Assise sur la chaise mise à disposition des visiteurs, ma sœur vécu la demie heure la plus longue de sa vie. Fuyant le spectacle qui lui était imposé, elle posa ses yeux sur une petite table située au pied du lit sur lequel était posé un dossier où était écrit au feutre noir :

FLANNIGAN J.

034

M.D.P

Et c’est avec cette image gravée en tête que Charlie essaya de trouver le sommeil, le soir venu dans sa chambre. L’image de Jacky métamorphosée par la maladie et ces 3 lettres immenses, écrites en noires et raisonnant comme les initiales d’un mot barbare l’empêchèrent de dormir toute la nuit. Plus tard, July lui apprendrait la signification de ses initiales responsables de la mort de deux membres de sa famille :

Morbus Dissidentiae Phreneticae

M.D.Pprochain chapitre : Ali


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